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ECOSYSTEME ESTUARIEN ET SYSTEME ECONOMIQUE REGIONAL : FAISABILITE D’UNE INTEGRATION PAR MODELISATION INPUT-OUTPUT

DETAILS

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Télécharger ici la version complète de la thèse de Mateo CORDIER

Cadre méthodologique

Dans la thèse de Mateo Cordier, une démarche méthodologique est proposée pour étudier les interactions entre les activités économiques et l’environnement. Cet ensemble que l’on pourrait appeler l’anthropo-écosystème est représenté de manière simplifiée par deux systèmes (voir modèle conceptuel du tableau 1): un écosystème et un système économique à l’interface desquels de la matière et de l’énergie transitent (émissions de polluants et consommation de ressources naturelles). C’est finalement l’ensemble du système de production économique et de consommation qui se résume dans ces transferts d’interface puisque toute consommation de bien et service nécessite directement ou indirectement la consommation d’une ressource naturelle et l’émission de polluants ou de déchets résiduels. Pour quantifier ces flux, la démarche méthodologique proposede procéder en trois étapes :

a) identifier les services écosystémiques en jeu et la chaîne de causalité à laquelle ils participent (Figure 1) : recours au système de catégorisation de Fisher et al. (2009)[1],

b) quantifier les paramètres physiques impliqués dans les flux d’interface économie/environnement liés à ces services écosystémiques en vue de les insérer dans le modèle économico-écologique,

c) quantifier les interrelations entre les différentes étapes de la chaîne de causalité.

 

Application au cas des nourriceries de l’estuaire de la Seine

Depuis le début de la révolution industrielle en France, l’estuaire de la Seine a subi des pertes d’habitats naturels considérables. Plus d’un tiers des surfaces de nourriceries de poissons a été détruit par la construction d’infrastructures portuaires et du Pont de Normandie. Dans un contexte où le renouvellement des stocks européens de poissons marins n’est plus garanti pour plusieurs espèces, cette évolution est relativement inquiétante. Une question essentielle se pose alors. Est-il possible de restaurer les surfaces de nourriceries perdues étant donné les coûts particulièrement élevés d’une telle mesure (174 millions d’euros par km2de nourriceries subtidales peu profondes)? Le modèle input-output « ECO » développé dans cette étude suggère qu’il serait en tout cas possible de restaurer le quart des nourriceries sableuses à haute capacité d’accueil perdues entre 1834 et 2004. Cela représenterait une surface totale de 24 km2. L’impact écologique est conséquent puisque la mesure de restauration semble pouvoir augmenter de 15% à 23% la biomasse de soles produite dans l’estuaire par rapport à une situation sans mesure de restauration. Quant à l’impact macroéconomique, l’effet des coûts de restauration sur la diminution du produit régional brut (PIB régional), de l’emploi et des bénéfices totaux des entreprises de la région ne dépasse pas 0,5% par rapport à une situation sans mesure de restauration. Par contre, si l’on décortique l’effet des coûts à l’échelle sectorielle, trois secteurs sont particulièrement touchés : les ports, les mines, ainsi que les producteurs de charbon et de pétrole raffiné. Cela suggère que le problème des coûts de restauration élevés peut être envisagé comme une question d’allocation des coûts entre secteurs plutôt que comme un problème en soi.

Néanmoins, ces résultats économiques doivent être considérés comme des valeurs plancher. Si tous les coûts de restauration des nourriceries ont pu être inclus dans le modèle, une partie des services écosystémiques n’ont pas pu être évalués en raison de l’absence de données et de connaissances appropriées. Sur un total de neuf services écosystémiques liés aux nourriceries, deux sont pris en compte dans le modèle. Le premier concerne le service de support de vie pour les juvéniles de soles, une espèce de poisson surpêchée et dont la population est actuellement en danger en Manche-Est. Le second couvre le service d’approvisionnement en soles pour la consommation humaine, une espèce de poissons importante pour l’économie étant donné sa haute valeur commerciale. Si, sans considérer la totalité des bénéfices tirés des services écosystémiques fournis par l’estuaire de la Seine, nos résultats montrent un faible impact macroéconomique, étendre la modélisation aux sept services omis démontrerait probablement un impact positif de la restauration des nourriceries sur les agrégats macroéconomiques.

En attendant le développement des données nécessaires à l’intégration de services écosystémiques supplémentaires dans le modèle ECO, l’incertitude sur l’interdépendance entre ces services et le système économique est à son comble. Il en résulte qu’une certaine part de jugement individuel et de bon sens constituent les seuls outils d’aide à la décision disponibles. En conséquence, il est important que les points de vue divergents des différents groupes d’acteurs et leurs jugements de valeur soient inclus de manière transparente au sein de processus de décision participatifs par le biais d’une évaluation multicritère et multiacteur. Le modèle ECO illustre de manière encourageante la capacité des modèles input-output à contribuer pleinement aux processus de décision participatifs. Cela devrait faciliter l’émergence de compromis ainsi que la résolution des conflits d’usages des services écosystémiques.

Publications récentes

 




[1]Fischer, B., Turner, K.R., Morling, P., 2009. Defining and classifying ecosystem services for decision making. Ecological Economics 68, 643 – 653.

updated date
05/07/2012