REEDS NewsReels

Développement durable et économie environnementale régionale

DETAILS

descrption

(Extrait de l'ouvrage)

Chapitre 6

 

Intégration d’un service écosystémique intermédiaire à une modélisation input-output économico-écologique : cas de l’estuaire de la Seine

par 

Mateo CORDIER

 [Télécharger le bon de commande et la table des matières]

 

Abstract

Dans cet article, une démarche méthodologique est proposée pour permette d’étudier les interactions entre les activités économiques et l’environnement. La démarche consiste à intégrer au sein d’un modèle input-output les services écosystémiques intermédiaires (principalement des services d’auto-entretien et de régulation), c’est-à-dire les services qui conditionnent l’existence de tous les autres services écosystémiques nécessaires à la survie et aux activités de l’homme. La démarche est testée sur un cas d’étude réel, celui de la restauration des habitats de nourriceries de l’estuaire de la Seine. La simulation de scénarios de restauration montre que malgré des coûts de mise en œuvre très importants, l’impact macroéconomique est négligeable. A l’échelle sectorielle par contre, l’effet des coûts est conséquent pour trois secteurs. Quant à l’impact écologique, il est positif et conduit à une augmentation conséquente des stocks de poissons produits par les habitats naturels de l’estuaire. Par sa capacité à quantifier les compromis et arbitrages entre différents usages des services écosystémiques, la démarche méthodologique développée dans ce papier constitue un outil prometteur pour les processus de décision participatifs.

 

1. Introduction

 

Durant ces 15 dernières années, le terme « service écosystémique » a colonisé les pages des revues scientifiques à une vitesse exponentielle. Son importance grandissante peut s’expliquer par la capacité de ce concept à améliorer la compréhension des interactions entre le fonctionnement des écosystèmes et le bien-être humain (Fisher et al., 2009). Le Millennium Ecosystem Assessment (2005), une évaluation de l’impact des modifications des écosystèmes sur le bien-être humain à l’échelle mondiale, a démontré que globalement, sur un total de 24 sous-catégories de services écosystémiques, 15 sont en déclin. Cette évaluation a également démontré que les écosystèmes ont subi des modifications plus importantes sur ces 50 dernières années qu’à aucun autre moment dans l’histoire, ce qui a causé une perte de biodiversité substantielle et souvent irréversible. L’impact à attendre sur le bien-être-humain futur sera probablement conséquent et largement négatif. C’est la raison pour laquelle le Millennium Ecosystem Assessment (MA) invite la communauté scientifique à lancer des programmes de mesure et de modélisation des services écosystémiques ainsi qu’à s’intéresser aux effets de leurs modifications sur le bien-être humain (MA, 2005; Carpenter et al., 2006; Sachs and Reid, 2006).

 

Une approche communément mise en œuvre pour mesurer l’impact des changements dans les services écosystémiques sur le bien-être humain consiste à recourir aux techniques d’évaluation monétaire de l’environnement. Sur base d’une analyse de synthèse réalisée par Costanza et al. (1997) portant sur 100 publications, de Groot et al. (2002) ont construit un tableau qui regroupe les techniques d’évaluation monétaire par catégorie de services écosystémiques mesurés. Cette table pourrait cependant induire en erreur car plusieurs auteurs ont montré que les techniques d’évaluation monétaire peuvent difficilement couvrir l’entièreté des catégories de services écosystémiques. Parmi les quatre grandes catégories identifiées par le MA – auto-entretien, régulation, approvisionnement et services culturels – les deux premières se prêtent mal à une mesure par le biais d’unités monétaires. Alors, comment expliquer que des évaluations monétaires soient encore utilisées pour mesurer des services d’auto-entretien et de régulation  (ex. : la technique des coûts de remplacement utilisée pour mesurer le service écosystémique de régulation des flux hydriques) ? Il s’agit en réalité d’un quiproquo. Celui-ci provient du fait que le système de catégorisation du MA et de de Groot et al. ne décortique pas suffisamment les liens de causalité entre les services écosystémiques pour pouvoir distinguer nettement les services couverts par les unités monétaires de ceux qui ne le sont pas. Cet inconvénient doit être pallié car les services d’auto-entretien et de régulation sont les catégories les plus vitales. Elles conditionnent l’existence de tous les autres services écosystémiques dont l’homme tire des bénéfices (MA, 2005).

 

Pour mieux prendre en compte les liens d’enchaînement de causalité entre les services écosystémiques, et ainsi pouvoir étudier les arbitrages entre acteurs avantagés et acteurs désavantagés par l’altération des services intermédiaires, la Science Post-Normale (SPN) et la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) recommandent d’éviter l’hégémonie d’un indicateur et d’une unité unique dans les analyses de problématiques environnementales. Ils suggèrent par conséquent de compléter les approches à indicateurs et unités uniques par des outils aux propriétés holistiques (Giampietro et al., 2006).

 

En réponse à ce besoin d’outils plus holistiques permettant de mieux couvrir la complexité des anthropo-écosystèmes, le modèle économico-écologique ECO est présenté dans cet article sur base des développements méthodologiques de Leontief (1970), Victor (1972), Carpentier (1994) et Jin et al. (2003). L’objectif vise à évaluer la contribution que la modélisation input-output peut apporter aux deux principes de base de la Science Post-Normale et de la GIZC. Ces deux principes consistent à développer des  méthodes d’analyse des problématiques environnementales, qui i) permettent l’étude des problématiques à haut degré d’incertitude (Funtowicz and Ravetz, 1994), et ii) présentent des propriétés holistiques afin de prendre en compte les interactions entre services écosystémiques (Giampietro et al., 2006 ; O’Hagan and Ballinger, 2009 ; Cheong, 2008). Le premier principe est essentiel car si un outil holistique reflète mieux les relations d’interactions entre services écosystémiques au sein de la chaîne de causalité, cela mène à couvrir une part hautement complexe du système étudié. Or, la complexité génère un degré d’incertitude très élevé qu’il convient de prendre en compte et de gérer (développé plus bas).

 

Avec ces deux principes en tête, Cordier et al. (2011) et Cordier (2011) ont développé le modèle ECO pour lui permettre d’identifier et de quantifier les arbitrages (par exemple entre des objectifs écologiques et économiques, entre deux secteurs économiques, etc.). Le modèle a été appliqué à un cas d’étude réel : la restauration des nourriceries de poissons localisées dans l’estuaire de la Seine (Haute-Normandie, France), lui-même localisé dans la Manche-Est (zone de pêche du CIEM VIId qui s’étend du sud de l’Angleterre jusqu’au nord de la France). L’objectif de cet article vise à développer la méthode qui a permis au modèle de couvrir la relation d’interaction entre un service écosystémique final (l’approvisionnement en ressources en poissons) et un service intermédiaire (habitats de nourriceries offrant un support de vie pour les juvéniles de soles – Solea solea sp.). L’impact de cette relation d’interaction sur le système économique est également pris en compte. Par conséquent, cet article étend la modélisation input-output de la modélisation conventionnelle des services écosystémiques de puits (accumulation de polluants émis dans les écosystèmes) et d’approvisionnement (consommation de ressources naturelles) à la modélisation de services écosystémiques d’auto-entretien (support de vie).

 

Cet article est structuré comme suit. La Section 2 présente l’adaptation du système de catégorisation des services écosystémiques proposé par Fisher et al. (2009) ainsi que les principes fondamentaux de la SPN et de la GIZC sur lesquels reposent notre modèle. La Section 3 présente le modèle conceptuel du système économico-écologique analysé dans cet article. La Section 4 situe le modèle ECO dans l’évolution historique de la modélisation input-output. Dans cette section est également abordée la structure du modèle. La collecte de données est brièvement décrite en Section 5. Les deux sections suivantes présentent une application du modèle à trois scénarios de restauration des nourriceries (Section 6) et fournissent les résultats de la simulation ainsi qu’une discussion sur les limites (Section 7). La dernière section conclut sur les apports du modèle ECO.

 

2. Cadre méthodologique

 

2.1. L’adaptation de Fisher et al. du système de catégorisation des services écosystémiques :

 

Fisher et al. (2009) ont proposé une adaptation au système de catégorisation de de Groot et al. et du MA (Figure 1). Cette adaptation met en évidence la manière dont les techniques d’évaluation monétaire omettent les services d’auto-entretien et de régulation. Le système de catégorisation de Fisher et al. est basé sur la place des services écosystémiques dans la chaine de causalité depuis la structure ou le processus écologique initial jusqu’au résultat final (c’est-à-dire jusqu’au bénéfice dont profitent les individus).

 

La structure écologique initiale est composée du support physique naturel sur lequel se déroule le processus écologique[2]. Par exemple, la structure écologique pourrait être constituée de vasières, c’est-à-dire de sédiments marins accumulés à faible profondeur par le biais des dynamiques hydro-sédimentaires. Quant aux processus écologiques, ils pourraient englober le développement de phytoplancton qui utilise ces sédiments comme substrat minéral pour croître. L’ensemble formé par les sédiments fins et le phytoplancton forme une vasière. Celle-ci sert d’habitat de nourricerie pour l’alimentation des jeunes alevins.

 

Les structures et processus écologiques jouent un rôle important et peuvent être considérés comme une catégorie de services écosystémiques à part entière puisque leur existence et leur maintenance au cours du temps est absolument nécessaire pour assurer la fourniture des autres services écosystémiques directement utiles aux hommes (Turner, 1999). Étant donné que les structures et processus écologiques interviennent en amont de la chaîne de causalité liée à l’approvisionnement des services écosystémiques, Fisher et al. les dénomme « services intermédiaires ». Ces derniers couvrent principalement les catégories du MA de service d’auto-entretien et de régulation mais dans certains cas aussi les catégories de service d’approvisionnement (par exemple le service d’approvisionnement en eau propre rendant possible la vie aquatique). Nous avons légèrement modifié le système de catégorisation de Fisher et al. en divisant les services intermédiaires en premier et second ordre (Figure 1). Cela permet de mieux rendre compte du fait que les services intermédiaires génèrent souvent d’autres services intermédiaires avant de produire les services finaux à l’étape suivante de la chaîne de causalité.

 

Les services finaux sont plus directement liés aux usages anthropiques et au bien-être des individus puisque ce sont eux qui génèrent les bénéfices dont profitent les individus. La maintenance de la quantité et de la qualité des services intermédiaires est nécessaire pour que l’écosystème puisse fournir les services finaux desquels les individus tirent des bénéfices. Les bénéfices constituent la dernière catégorie de service écosystémique de Fisher et al. Ils sont définis comme l’étape à laquelle le bien être humain est directement affecté, le plus souvent en passant par l’intervention d’un capital (construit, technique, humain, social) nécessaire à la réalisation de l’augmentation du bien-être. Par exemple, si nous reprenons l’exemple des vasières, mentionné plus haut, les processus hydro-sédimentaires constituent un service écosystémique intermédiaire de premier ordre qui génère la formation de vasières, un service intermédiaire de second ordre. A son tour, celui-ci offre un habitat de nourricerie pour les jeunes alevins. La concentration d’alevins dans ces habitats offre un service final d’approvisionnement en ressources halieutiques dont l’homme tire un bénéfice en les vendant et en les consommant. Cela n’est cependant possible que par l’intervention d’un capital : un savoir-faire en techniques de pêche (capital humain) et un équipement technique spécialisé comme des filets et des chalutiers (capital technique).

 

Dans le système de catégorisation des services écosystémiques de Fisher et al., il apparaît clairement que seule la catégorie des bénéfices affecte le bien-être humain. Par conséquent, nous posons l’hypothèse que c’est la seule catégorie qui dépend des préférences individuelles. Or étant donné que ces dernières constituent la base de l’évaluation monétaire, seule la catégorie des bénéfices peut être monétarisée[3]. Par exemple, dans le futur, l’augmentation de la fréquence des inondations causées par les changements climatiques est susceptible d’augmenter les préférences individuelles pour des terrains localisés en dehors des zones à risque afin de réduire la probabilité de dommages au bâti. Ces préférences peuvent être évaluées en unités monétaires par l’augmentation du prix des habitations localisées en zones non inondables en comparaison à des habitations similaires localisées en zones inondables. Cela illustre la manière dont un service final (protection contre les inondations) constitue une catégorie de service écosystémique qui peut être mesurée en unités monétaires par le biais de la valeur des bénéfices qu’il génère (réduction des dommages causés aux habitations). Cela est relativement original dans la littérature sur l’évaluation monétaire puisque de nombreux auteurs ont encore recours aux techniques d’évaluation monétaire pour estimer la valeur d’un changement du service écosystémique de régulation des flux hydriques. Or si l’on se place dans le système de catégorisation de Fisher et al., ce n’est pas la régulation des flux hydriques qui est évaluée monétairement mais la réduction des dommages causés aux habitations (ou aux terrains agricoles, aux vies humaines, etc.)[4].

Figure 1. Services écosystémiques impliqués dans l’interaction entre les vasières et les poissons.

 

2.2. Les techniques d’évaluation monétaire et les interactions entre services écosystémiques :

 

Si les techniques d’évaluation monétaire couvrent uniquement la catégorie des bénéfices tirés des services finaux (Figure 1), cela signifie que les interactions entre services écosystémiques ne peuvent pas être prises en compte par ces techniques. Or, les relations d’interaction constituent un aspect important pour la compréhension des écosystèmes et de leurs effets indirects sur les activités économiques (de Groot et al., 2002 ; Carpentier, 1994). Pour prendre en compte ces relations, il faut considérer l’entièreté de la chaîne de causalité en démarrant l’analyse des services écosystémiques depuis l’amont de la chaîne (les services intermédiaires) jusqu’à l’aval de la chaîne (les bénéfices). Cependant, cela est impossible pour les techniques d’évaluation monétaire puisqu’elles ne couvrent pas les services intermédiaires. Cette omission implique que les techniques d’évaluation monétaire risquent, dans certains cas, de négliger le rétro-impact sur le système économique (c’est-à-dire sur les bénéfices) de l’altération de l’écosystème par ce même système économique. Un cas de ce type se produit quand l’altération des bénéfices résulte de l’altération dans la fourniture de services intermédiaires par les activités économiques.

 

L’altération des services intermédiaires, et la modification subséquente des services finaux et des bénéfices au travers de la chaîne de causalité, désavantage certains acteurs et en avantage d’autres. Il en découle que des arbitrages sont nécessaires pour orienter des situations de conflits vers un compromis. C’est important car les conflits se révèlent inefficaces tant pour le bon fonctionnement de l’écosystème que pour celui de l’économie. Il en découle que les techniques d’évaluation monétaire, si utilisées seules, ne peuvent pas aider à la compréhension des processus économico-écologiques ni des arbitrages générés par des modifications de services intermédiaires.

 

2.3. Les approches holistiques et les interactions entre services écosystémiques :

 

L’omission des interactions est une limite qui n’est pas inhérente aux techniques d’évaluation monétaire. Toutes les approches ayant recours à un indicateur unique, et par conséquent à des unités uniques (PIB vert, empreinte écologique, ratio coût-bénéfice, etc.), s’avèrent peu adéquates pour capter toute la complexité des écosystèmes (Ashford, 1981). Pour résoudre ce problème, la Science Post-Normale (SPN) et la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) recommandent d’éviter l’hégémonie d’un indicateur ou d’une unité unique dans les analyses de problématiques environnementales. Ils suggèrent de compléter les approches à indicateurs ou unités uniques par des outils aux propriétés holistiques (Giampietro et al., 2006). Des propriétés holistiques confèrent à une approche la capacité d’offrir une perspective globalisante au sein de laquelle différents éléments, habituellement considérés individuellement, sont réunis pour être étudiés ensemble en incluant leurs interactions à l’intérieur du système auquel ils appartiennent (Gallopin et al., 2001).

 

Cependant, si les avantages des outils holistiques permettent de mieux représenter la complexité des écosystèmes, leur désavantage réside dans le fait que la complexité génère de hauts degrés d’incertitude (Munda, 2004; Gallopin et al., 2001). Dans ce cas, certains scientifiques pourraient être tentés d’exclure les thématiques trop incertaines de leur champ d’étude. Pourtant, analyser les thématiques souffrant d’indéterminisme est essentiel car les hauts degrés d’incertitudes sont plutôt la règle que l’exception en matière d’environnement (Munda et al., 1994; Refsgaard, 2006; Stirling, 2001; Giampietro et al., 2006). Pour détourner les scientifiques de la tentation d’écarter les thématiques hautement incertaines de leur champ d’étude, la SPN et la GIZC développent une approche qui permet de gérer les hauts degrés d’incertitude. Elle consiste à recourir à des outils d’aide à la décision au sein d’un processus de participation des acteurs (Stojanovic and Ballinger, 2009 ; Belfiore, 2000 ; O’Hagan and Ballinger, 2009). Une technique intéressante développée en ce sens concerne les évaluations multicritères, multiacteurs, multiscénarios au sein de laquelle les acteurs donnent des points à différents scénarios de mesures politiques en fonction de chaque critère d’évaluation. La nécessité des outils participatifs est développée à la Section 4.2.

 

3. Modèle conceptuel de l’anthropo-écosystème de l’estuaire de la Seine

 

Le modèle ECO - modèle économico-écologique simulant l’interaction entre l’écosystème de l’estuaire de la Seine et son système économique - a été construit sur base d’un modèle conceptuel qui schématise le fonctionnement du système économique et écosystémique modélisé. Le modèle conceptuel a lui-même été élaboré à partir d’un processus participatif dirigé par l’AESN–DIREN Haute-Normandie (2004) dans lequel les acteurs ont été invités à représenter le fonctionnement écologique et économique de l’estuaire selon leur propre vision, leurs objectifs et les problèmes qu’ils y rencontrent.

 

L’estuaire de la Seine constitue une zone intéressante pour l’étude des interactions entre les activités économiques et les services écosystémiques. En effet, alors que l’estuaire fournit des services écosystémiques intermédiaires essentiels au bon fonctionnement global de l’écosystème (ex. : habitats de nourriceries, stockage et détoxification des polluants), il fournit également des services écosystémiques finaux qui attirent de nombreuses activités industrielles (approvisionnement en eau pour le transport maritime). Or, ces mêmes activités industrielles génèrent des nuisances qui entravent les services écosystémiques intermédiaires. Depuis 1834, les surfaces de nourriceries subissent une destruction lente et progressive en raison du processus d’anthropisation croissante de l’estuaire : développement du port de Rouen et du Havre, construction de digues pour la navigation maritime et construction du pont de Normandie (Ducrotoy et Dauvin, 2008 ; Rochette et al., 2010 et Cuvilliez et al., 2009). Il en résulte qu’entre 1834 et 2004, 33% de la surface de nourriceries potentielles ont été transformés en zone terrestre (Rochette et al., 2010).

 

Cette diminution des surfaces d’habitats constitue un facteur supplémentaire qui vient renforcer la pression exercée par la pêche sur les stocks de poissons. Ces deux facteurs expliquent que la zone de pêche dans laquelle est située l’estuaire de la Seine (zone VIId du CIEM) ait vu sa biomasse totale des stocks de morues, de soles et de merlans diminuer de 43% entre 1978 et 2008.

 

4. Le modèle économico-écologique de l’estuaire de la Seine

 

L’architecture de base du modèle ECO s’appuie sur les tableaux input-output de type supply-use (aussi appelées tableaux commodity by industry). Un modèle input-output est composé d’équations matricielles linéaires qui représentent la manière dont les industries échangent entre elles des matières premières, des produits semi-finis et des services pour fournir la demande finale en produits finis qui seront consommés par les ménages. Le modèle économico-écologique a été appliqué au cas d’un scénario de restauration des nourriceries de l’estuaire de la Seine utilisées comme habitat marin par les juvéniles de soles pour se nourrir et se développer.

 

Le modèle ECO traduit en termes quantitatifs la description qualitative de l’anthropo-écosystème représenté dans le modèle conceptuel. Le passage du qualitatif au quantitatif est basé sur les développements méthodologiques réalisés en modélisation input-output par Isard (1968), Leontief (1970), Victor (1972), Carpentier (1994), Jin et al. (2003) et McDonald (2005). Ces développements sont expliqués brièvement ci-dessous.

 

4.1. Historique de la modélisation input-output :

 

La modélisation input-output a été développée initialement par Leontief (1936). A l’origine, il s’agissait exclusivement d’une modélisation économique. Elle fut ensuite progressivement améliorée et environnementalisée par Cumberland (1966), Daly (1968), Isard (1968), Leontief (1970) et Victor (1972). Victor (1972) a développé un modèle input-output économico-écologique sous la forme de tables commodity by industry qui combinent des biens écologiques et économiques. Il a introduit dans le modèle les biens économiques en unités monétaires et les biens écologiques en unités physiques. L’approche de Victor exclut les interactions internes à l’écosystème en partant du principe que le manque de données sur le fonctionnement des écosystèmes ne permet pas de les inclure à une modélisation input-output. Par la suite, sur les traces des travaux d’Isard (1968), Jin et al. (2003) sont parvenus à modéliser les interactions entre services écosystémiques, c’est-à-dire les interactions se produisant à l’intérieur de l’écosystème entre deux compartiments environnementaux. Ils y sont arrivés en bouclant un cycle économico-écologiques d’un système aquatique en reliant une chaîne trophique marine à la table input-output de Leontief. Il faut cependant reconnaître que cela fut rendu possible par le caractère intrinsèquement linéaire des chaînes trophiques. Ce qui n’est pas le cas de la problématique des nourriceries analysée dans cet article. C’est la raison pour laquelle nous avons dû développer une autre approche méthodologique pour prendre en compte les interactions internes à l’écosystème des nourriceries. Elle est détaillée ci-dessous.

 

4.2. Apport du modèle ECO à la modélisation input-output :

 

Le modèle ECO est construit dans le but de développer un modèle input-output qui contribue aux deux principes de la SPN et de la GIZC mentionnés à la Section 1 : développer une vision holistique et permettre la gestion des hauts degrés d’incertitude générés par les propriétés holistiques.

 

En ce qui concerne le premier principe, les propriétés holistiques de l’approche input-output sont augmentées en ne considérant pas uniquement les services de puits et d’approvisionnement (ex. : accumulation de polluants dans les rivières et approvisionnement de poissons commerciaux par la pêche en mer) mais également les services d’auto-entretien (ex. : habitats aquatiques offerts par les nourriceries estuariennes de poissons). En d’autres termes la modélisation input-output est étendue à ces services écosystémiques. Les techniques pour y parvenir sont détaillées dans Cordier et al. (2011) et Cordier (2011). En ce qui concerne le second principe mentionné plus haut (gérer les hauts degrés d’incertitude), le modèle ECO y contribue comme suit.

 

Une première part de l’incertitude (le degré d’exactitude lié à l’architecture du modèle) est gérée par le biais d’une opération de rétro-validation (développé à la Section 7.4).

 

Une deuxième part de l’incertitude (le degré de précision portant sur les paramètres du modèle) est gérée au sein du modèle ECO par le biais d’une analyse de sensibilité qui montre la gamme des valeurs possibles prises par les résultats finaux (voir barres d’erreurs des graphiques en Section 7). Cette opération permet de s’assurer que les valeurs estimées sur base de prolongations de tendances observées dans le passé (et corrigées par avis d’experts) ne donnent pas des valeurs aberrantes. Cette approche permet d’inclure l’étude du futur des nourriceries au lieu de l’exclure du champ de l’analyse scientifique. Elle prend en compte l’effet des nourriceries sur les populations de poissons ainsi que sur l’économie (lien de causalité schématisé à la Figure 1) là où d’autres approches basées sur des techniques plus exactes et plus précises seraient contraintes d’exclure cet effet de l’analyse en raison de son haut degré d’incertitude.

 

Une troisième part de l’incertitude ne peut ni être gérée par analyse de sensibilité ni par opération de rétro-validation car elle porte sur des paramètres et des variables qui n’ont pas pu être insérés dans le modèle. Cela s’explique par le manque de données, l’état des connaissances scientifiques actuelles ou simplement la complexité des processus écologiques. Ce problème concerne les services écosystémiques omis (voir Section 7.2) et pour lesquels les données appropriées n’existent pas encore. Par conséquent, une incertitude perdure sur la relation d’interaction entre ces services et le système économique. Dans une telle situation d’indéterminisme, une part de jugement individuel et de bon sens restent des recours importants dans la prise de décision. Or, comme le jugement individuel dépend des conditions sociales, culturelles et économiques de chaque acteur, il est important pour les processus de décision d’inclure de manière transparente les perspectives divergentes et les jugements de valeurs des acteurs au sein d’une approche participative. La perspective d’un seul acteur ne peut pas être « vraie » ni « correcte » car personne ne peut se targuer d’avoir vécu à lui tout seul l’ensemble de la réalité sociale, économique et culturelle. C’est pourquoi, il est inévitable que des polémiques naissent et opposent les perspectives des acteurs vivant dans des réalités sociales distinctes (O’Connor, 1999 ; Bremer, 2010).

 

Le modèle ECO pourrait se révéler utile dans des approches participatives car il permet d’identifier et de quantifier les compromis et arbitrages à réaliser (voir exemples de compromis à la Section 7.3). Grâce à cette étape d’identification et de quantification, les compromis et arbitrages émergent d’une situation complexe et apparaissent de manière plus transparente aux décideurs et autres acteurs. Cela constitue un avantage pour les approches participatives puisque c’est un de leur objectif principal (Munda et al., 1994). Cet objectif est essentiel car les compromis doivent être clairs et apparents pour les acteurs si l’on souhaite que les mesures de gestion environnementale soient opérationnelles (Munda et al., 1994; van den Bergh and Nijkamp, 1991). Des législations environnementales imposées par la force sans gagner en légitimité sociale ne fonctionnent pas bien. Quand elles ne sont pas contournées légalement par les acteurs, elles sont carrément enfreintes ou encore modifiées sans cesse par les groupes de pression importants.

 

Traiter de la problématique des habitats de nourriceries nécessite de quantifier les interactions entre deux services écosystémiques (habitats de nourriceries et approvisionnement en poissons pour la consommation humaine). Cela requiert également de boucler certains sous-cycles économico-écologiques. Pour ce faire, notre démarche attribue des unités monétaires seulement aux services écosystémiques qui peuvent être évalués en termes de leur potentiel direct de conversion en bien ou en service marchand. Cela concerne généralement les services écosystémiques à usage direct (bénéfices tirés des services finaux), par exemple les services d’approvisionnement en ressources comme la pêche de poissons. Des unités physiques sont attribuées aux autres catégories de services écosystémiques (services intermédiaires de premier et de second ordre). Il s’agit de services écosystémiques à usage indirect comme les services d’auto-entretien et de régulation mais aussi certains services culturels. Il en découle que le modèle ECO délivre à la fois des résultats sous la forme d’indicateurs écologiques et sociaux en unités physiques (ex. : surfaces de nourriceries en km2), et sous la forme d’indicateurs économiques en unités monétaires (ex. : PIB régional exprimé en M€2007).

 

4.3. Structure de base du modèle :

 

La démarche méthodologique qui cadre la construction du modèle ECO engage une analyse de processus écologique. Cette analyse procède en trois étapes décrites succinctement ci-dessous. L’ensemble de ces étapes nécessite un long déroulement ainsi qu’un développement mathématique qui est expliqué en détails dans Cordier (2011) et Cordier et al. (2011).

 

(a) Identifier les systèmes et les services écosystémiques en jeu ainsi que les chaînes de causalité auxquelles ils participent par le biais de la méthode de structuration proposée à la Figure 1.

 

(b) Quantifier les paramètres physiques impliqués dans les flux de matière et d’énergie transitant à l’interface  économie/environnement, flux qui sont à la base de la fourniture de chaque service écosystémique. Une fois quantifiés, il faut réfléchir à la manière de les insérer dans l’architecture d’un modèle input-output économico-écologique. La Figure 2 schématise de manière simplifiée l’architecture du modèle ECO qui consiste à représenter l’anthropo-écosystème par deux systèmes : un écosystème et un système économique à l’interface desquels de la matière et de l’énergie transitent. Il est composé de quatre interfaces représentant les flux économie-économie (quadrant 1), économie-écosystème (quadrant 2), écosystème-écosystème (quadrant 3), et écosystème-économie (quadrant 4).

Figure 2. Architecture du modèle ECO basé sur les flux de matières et d’énergies aux interfaces entre le système économique et l’écosystème (illustré par le service final d’approvisionnement en poissons). Source : architecture adaptée, entre autres, des modèles de Daly (1968), Victor (1972) et McDonald (2005).

 

(c) Quantifier les interrelations entre les différents flux d’interface : il faut, par exemple, pouvoir calculer la relation mathématique liant l’évolution du transport maritime et des activités portuaires (quadrant 1) à la colonisation des habitats de nourriceries par les infrastructures portuaires (quadrant 2). Lorsque ces relations ne sont pas linéaires, il est nécessaire de recourir à des équations exogènes au modèle input-output et, dans certains cas, à l’avis d’experts (Figure 3).

Figure 3. Quantification des interrelations entre les différents flux d’interface. Note : le système de catégorisation des services écosystémiques de Fisher et al. (2009) est inclus dans cette figure : les services écosystémiques intermédiaires se retrouvent au point 3 (flux écosystème à écosystème), les services écosystémiques  finaux au point 3 « Impact écologique » (flux écosystème à écosystème), et les bénéfices écosystémiques au point 4 « Impacts économiques » (flux écosystème à économie).

 

5. Données

 

Les données économiques nécessaires à la construction de l’architecture du modèle ont été tirées de la table input-output Supply-Use nationale publiée par Eurostat (2009). Une première étape de calculs a été nécessaire pour actualiser la table de 2005 à 2007. Une seconde étape de calculs a permis de transformer la table nationale en une table régionale pour la faire correspondre à l’échelle de la région Haute-Normandie. Cette étape se base sur la technique de régionalisation développée notamment par McDonald (2005). Nous avons par ailleurs amélioré la technique conventionnelle de régionalisation en ayant recours à la base de données du MEDDAT (2009) portant sur les flux interrégionaux de biens entre les différentes régions de France. La méthode des SLQ (Simple Location Quotient) a été quant à elle utilisée pour les flux interrégionaux de services (des détails sur cette méthode peuvent être trouvés dans Miller and Blair, 2009).

 

Les données concernant le nombre de juvéniles de Solea solea sp. (sole commune) par km2 ainsi que les données sur l’évolution des surfaces de nourriceries dans l’estuaire de la Seine de 1834 à 2004 sont détaillées dans Cordier et al. (2011) et Cordier (2011). Elles ont été calculées sur base de cartes historiques et d’un modèle d’adéquation des habitats (Rochette et al., 2010). L’impact de la variation des surfaces de nourriceries sur les stocks de soles ainsi que sur les captures de pêche est calculé en partie sur base de ces données et en partie sur des données d’ICES (2007) concernant le stock de soles en Manche Est. Certaines données existent également concernant d’autres services écosystémiques fournis par les nourriceries et qui n’ont, pour le moment, pas encore été intégrées dans le modèle ECO. Elles pourraient cependant y être intégrées très prochainement.

 

6. Scénarios simulés dans le modèle économico-écologique

 

Sur base de l’observation des pertes de surfaces de nourriceries depuis 1834, trois scénarios ont été construits et ensuite simulés dans le modèle ECO :

 

(1) Un scénario de référence « business as usual » (BAU) représentant l’écosystème et l’économie en 2015 tel qu’ils auraient évolués à partir de 2004 si la tendance actuelle se prolongeait et qu’aucune mesure de restauration des nourriceries n’était entreprise. La prolongation de la tendance actuelle a été calculée sur base des projections économiques de l’OCDE (2009) et du BFP (2008).

 

(2) Un scénario de restauration de 25% des surfaces de nourriceries sableuses à haute densité de poissons détruites entre 1834 et 2004. Le scénario est échelonné sur une période s’étalant entre 2004 et 2015. Cela revient à restaurer 2,2km2/an de nourriceries subtidales potentielles pendant 11 ans, soit une surface totale restaurée de 24,38 km2. Le coût de restauration annuel s’élève à 386 millions €2007/an. Dans ce scénario, les coûts de restauration sont pris en charge intégralement par les ports (responsables directs de la destruction des habitats par la construction de digues et l’extension de leurs infrastructures).

 

(3) Un scénario de restauration identique au précédent mais avec un partage des coûts entre tous les secteurs primaires et secondaires qui bénéficient des services portuaires pour le transport par voie d’eau de leurs marchandises (responsables indirects de la destruction des habitats). L’allocation des coûts de restauration devrait en pratique être débattue et décidée collégialement par les acteurs de l’estuaire de la Seine s’il s’avère que ce scénario de restauration les intéresse. Toutefois, afin de démontrer le potentiel du modèle économico-écologique, le choix de l’allocation a été décidé arbitrairement dans cette étude au prorata du tonnage de marchandises transportées annuellement par voie d’eau par chaque secteur. Les ports ne transportent pas de marchandises. Cependant, ils prennent en charge la part qui incombe aux secteurs localisés en dehors de la Haute-Normandie mais qui transportent toutefois des marchandises par voie d’eau dans la région. Libre ensuite aux ports de répercuter ce coût de production additionnel sur ces secteurs dans le prix du service portuaire qu’ils leurs offrent (cette option n’a cependant pas été prise en compte dans les scénarios).

 

Dans les graphiques présentés ci-dessous (Figures 4, 5 et 6), les résultats des deux scénarios de restauration sont comparés au scénario BAU à l’horizon 2015. Toutes les valeurs sont exprimées en base 100 = BAU. Par exemple, si nous avions une valeur de PRB (Produit Régional Brut) de 30000 M€2007 dans un des scénarios de restauration et de 40000 M€2007 dans le scénario BAU, la valeur du scénario de restauration standardisée en base 100 deviendrait 75% = 100/40000M€ * 30000M€.

 

7. Résultats et discussion

 

Les résultats des deux scénarios de restauration sont comparés à ceux du scénario BAU à l’horizon de temps 2015. Toutes les valeurs sont exprimées en base 100 = BAU. Quand les graphiques ci-dessous ne montrent qu’un seul des deux scénarios de restauration, cela signifie que les résultats de l’autre scénario sont identiques. Sur tous les graphiques, les barres verticales noires au sommet des histogrammes ont été calculées par une analyse de sensibilité. A cette fin, il a fallu faire varier la valeur des paramètres du modèle 500 fois entre des marges minimum et maximum sélectionnées au sein de données observées. Cette analyse de sensibilité permet de prendre en compte l’incertitude portant sur les valeurs adoptées par les paramètres du modèle à l’horizon 2015. Cette technique constitue une façon de gérer l’incertitude de type « imprécision » causée par des erreurs aléatoires (Funtowicz and Ravetz, 1994) et dans notre cas spécifique, causée par la complexité et le caractère intrinsèquement chaotique des dynamiques écosystémiques.

 

Dans les barres d’erreurs des graphiques présentés ci-dessous, est également pris en compte un autre type d’incertitude souligné par Funtowicz and Ravetz (1994). Il s’agit du degré d’exactitude. Celui-ci tire sa source dans les erreurs systématiques. Dans notre cas, de telles erreurs résultent de l’architecture du modèle input-output, c’est-à-dire des coefficients techniques et des relations linéaires liées aux équations matricielles. L’exactitude est gérée par une rétro-validation du modèle ECO (méthode suggérée par Lutz and Sanderson, 2001). Cela consiste à entrer dans le modèle des valeurs de variables observées dans le passé entre 1999 et 2006 (valeurs de demande finale essentiellement) et à comparer les résultats qui sortent du modèle à des données observées de valeur ajoutée, d’emploi et d’excédent brut d’exploitation. Les valeurs minimum et maximum ont été sélectionnées ici aussi et agrégées à celles obtenues par les 500 valeurs aléatoires dans l’analyse de sensibilité. Le résultat de l’agrégation a ensuite été utilisé comme marges pour la gamme de valeurs incluses dans les barres d’erreur apparaissant sur les graphiques des Figures 4, 5 et 6.

 

Le modèle économico-écologique permet de calculer trois types d’impacts de la restauration de nourriceries : un impact écologique calculé en unité physiques et un impact macro-économique ainsi que sectoriel tous les deux calculés en unités monétaires.

 

7.1. Impact écologique des scénarios de restauration des nourriceries :

 

Concernant l’impact écologique, la Figure 4 montre que les deux scénarios de restauration contribuent à augmenter la surface de nourriceries en 2015 de 20,6% par rapport à une situation en 2015 sans programme de restauration (scénario BAU). Bien que cette hausse soit la plus probable sur base des connaissances scientifiques actuelles et de la méthode appliquée, elle est relativement incertaine car la complexité de l’écosystème et l’incertitude sur les données ne permettent pas de déterminer avec une précision parfaite l’état futur du système. L’analyse de sensibilité sur les données associée au pourcentage d’erreur sur l’architecture du modèle montre que la hausse de la surface de nourriceries varie en réalité au sein de marges d’incertitude qui se situent entre une augmentation de 18,0% à 24,5% par rapport au BAU (barre d’erreur de la Figure 4). En insérant ces valeurs de surface dans les équations écologiques exogènes à la matrice input-output (voir équations de Cordier et al., 2011), on obtient la biomasse de soles fournie par la Haute-Normandie à la Manche-Est. On voit que les deux scénarios de restauration de nourriceries potentielles dépassent le scénario BAU de 18,5% (14,8% – 22,9%).

 

Un dernier point à souligner concerne le stock de soles. La Haute-Normandie contribue au stock total de soles de la Manche-Est à raison de 14,2% en 2004 (Rochette et al., 2010). En conséquence, la hausse du stock de soles en Manche-Est est inférieure à la hausse de la contribution de la Haute-Normandie. Si nos scénarios de restauration permettent d’augmenter le stock de soles produit par l’estuaire de la Seine en Haute-Normandie de 18,5%, le stock total en Manche-Est, lui, n’augmente que de 2,7%.

Figure 4

Figure 4. Impact environnemental de la restauration de nourriceries potentielles sur la période 2004-2015. Les marges d’incertitude sont indiquées entre parenthèses.

 

7.2. Impact macroéconomique des scénarios de restauration des nourriceries :

 

En ce qui concerne l’impact macro-économique, il est estimé à la Figure 5 par trois indicateurs : le PRB, l’excédent brut d’exploitation (bénéfice des entreprises) et le salaire brut total touché par l’ensemble des ménages. Les deux scénarios de restauration donnent des résultats quasiment identiques par rapport au scénario BAU. Une perte de 0,3% (-3,1 % – 0,4%) est estimée pour le PRB  et une perte de 0,4% (-5,8% – -0,4%) pour l’excédent brut d’exploitation– résultats du scénario de restauration financé par les ports. Concernant le revenu total des ménages perçu sous forme de salaires bruts, les deux scénarios de restauration génèrent une perte de 0,5% (-5,8% – -0,4%) par rapport au scénario BAU. Cela signifie que sans mesures d’accompagnement (par exemple des réductions de salaires), la restauration de nourriceries générera en 2015 0,5% de postes de travail en moins que le scénario BAU. Ces valeurs ont été estimées sur base de l’hypothèse posée au départ, à savoir que les entreprises porteront la charge des coûts de restauration pour moitié sur les bénéfices et pour moitié sur les coûts salariaux.

 

Cette hypothèse de répartition des coûts entre salaires et bénéfices explique que les salaires soient plus faibles dans les scénarios de restauration que dans le scénario BAU. Concernant les bénéfices, ceux-ci étant également moins élevés dans les scénarios de restauration, les dividendes rétribués aux ménages détenteurs d’actions sont inférieurs au scénario BAU. Pour ces deux raisons, la consommation des ménages diminue inévitablement, ce qui ralentit la production économique, réduit le PRB et au final, génère une diminution indirecte de l’excédent brut d’exploitation (les bénéfices) en plus de la diminution directe liée aux coûts de restauration. Cela explique que les indicateurs macroéconomiques atteignent des niveaux légèrement plus faibles dans les scénarios de restauration que dans le scénario BAU.

 

Cependant, il est possible que le PRB et l’excédent brut d’exploitation soient sous-estimés car nos résultats incluent la plupart des coûts de la restauration des nourriceries potentielles alors que seulement deux services écosystémiques bénéfiques pour l’économie ont été pris en compte sur un total de neuf identifiés. Les services omis sont, entre autres, le service d’approvisionnement en 8 espèces de poissons commerciaux autres que la sole, le service d’auto-entretien pour ces espèces et les oiseaux qui utilisent les nourriceries comme zones de séjour, et certains services de régulation (qualité de l’eau, impact des inondations), …

 

Il en découle que nos résultats doivent être considérés comme des valeurs minimum, ou partielles, plutôt que comme des valeurs globales. Si ces services écosystémiques avaient également pu être pris en compte, un impact macroéconomique positif aurait probablement pu être obtenu et les valeurs de la Figure 5 auraient été supérieures à 100.

Figure 5

Figure 5.  Impacts macroéconomiques des scénarios de restauration des nourriceries potentielles (2004-2015). Les marges d’incertitude sont indiquées entre parenthèses.

 

7.3. Compromis entre secteurs concernés par les scénarios de restauration des nourriceries :

 

En ce qui concerne l’impact sectoriel, il est représenté à la Figure 6. Le coût direct des scénarios de restauration est assez élevé puisqu’il s’élève à 386 M€2007/an, soit 0,8% du PRB de Haute-Normandie en 2007. Les impacts indirects sont, eux, mitigés puisque, alors que certains secteurs voient leurs bénéfices diminuer, le secteur de la pêche et de la construction les voient augmenter. Ces effets directs et indirects sont détaillés à la Figure 6. Elle montre que dans les deux scénarios de restauration de surfaces de nourriceries potentielles, l’excédent brut d’exploitation du secteur de la pêche est légèrement supérieur au scénario BAU dans le scénario de restauration financé par les ports (+0,2%) et égal au scénario BAU dans le scénario avec partage des coûts (+0,0%). Cet impact positif est imputable à l’augmentation du stock de soles en Manche-Est. Cette hausse est le résultat direct de la restauration du total des 24,38 km2 de surfaces de nourriceries potentielles dans l’estuaire de la Seine. Cela se traduit par une augmentation des ventes des poissons débarqués dans les ports de la région qui se substituent aux importations internationales (hypothèse posée au départ). Dans le scénario avec coûts partagés, cela permet au secteur de la pêche de ne pas voir son excédent brut d’exploitation diminuer par rapport au scénario BAU, malgré les coûts de restauration que ce secteur doit assumer.

 

Si la hausse de l’excédent brut d’exploitation du secteur de la pêche n’est pas plus élevée, cela provient du fait que l’estuaire de la Seine n’est qu’une source partielle d’approvisionnement du stock total de soles de la zone de la Manche Est. Si les différentes régions composant la Manche Est réalisaient un programme de restauration des surfaces de nourriceries potentielles analogue à celui suggéré dans nos scénarios, l’impact sur l’excédent brut d’exploitation du secteur de la pêche haut-normande serait bien plus conséquent.

 

Le secteur de la construction est le grand bénéficiaire des programmes de restauration. Dans le scénario de restauration avec partage des coûts, la hausse de son excédent brut d’exploitation s’élève à 10,1% (5,9% – 14,1%) par rapport au scénario BAU. Les résultats pour le scénario de restauration financé par les ports sont quasiment identiques. Cette hausse est générée par une augmentation de la demande pour la construction de digues particulières utilisées dans les opérations de restauration de surfaces de nourriceries potentielles et l’acheminement de sédiments de l’embouchure vers le site de restauration.

 

Cependant, des impacts négatifs se font également sentir dans certains secteurs. La restauration de nourriceries potentielles génère des coûts élevés pour trois secteurs : les ports, le secteur minier et le secteur des « manufactures de coke, raffineries de pétrole et de combustibles nucléaires ». Ces coûts élevés réduisent leur excédent brut d’exploitation de manière relativement drastique. Les ports perdent 43,2% de leur excédent brut d’exploitation quand ils assument seuls les coûts de restauration.

 

Dans le scénario des coûts de restauration partagés, le secteur des mines et celui des « manufactures de coke, raffineries de pétrole et de combustibles nucléaires » voient leurs pertes de bénéfices par rapport au scénario BAU atteindre respectivement 110,4% et 44,6%. Pour le secteur des mines, cela signifie que les coûts engendrés sont supérieurs aux bénéfices qu’il aurait pu engranger dans le cadre d’un scénario BAU. Cela représente une forte pression sur le secteur minier : en effet, même en valeur absolue, la valeur de son excédent brut d’exploitation est négatif (-7,124 M€2007 en 2015). Cela résulte de la règle d’allocation des coûts de restauration calculée au prorata du tonnage de marchandises transportées par voie d’eau par secteur. Cette règle d’allocation fait peser sur les ports 23,2% du coût total annuel, 40,3% sur le secteur des mines et 19,3% sur le secteur des « manufactures de coke, raffineries de pétrole et de combustibles nucléaires ». Ces impacts sectoriels négatifs montrent qu’un compromis doit être réalisé entre l’objectif de maximisation des profits des entreprises et l’objectif environnemental de restauration de nourriceries potentielles. Cela représente un atout du modèle économico-écologique : il permet d’identifier les compromis envisageables, repérer les secteurs les plus vulnérables dans ce compromis et quantifier l’importance du compromis en termes monétaires pour les secteurs économiques (excédent brut d’exploitation) et en unités physiques pour l’environnement (tonnes de soles, hectares de nourriceries). Ces atouts constituent des avantages certains pour les processus de décision participatifs.

Figure 6

Figure 6. Impact sectoriel des scénarios de restauration de nourriceries potentielles (2004-2015) en termes d’excédent brut d’exploitation (bénéfices des entreprises). Les marges d’incertitude sont indiquées entre parenthèses.

 

7.4. Rétro-validation du modèle :

L’architecture du modèle ECO (coefficients techniques et équations matricielles linéaires) a été validée pour son volet économique. Les opérations de validation démontrent des pourcentages d’erreur relativement faibles. Le processus de validation consiste à entrer dans le modèle des valeurs de demande finale observées dans le passé pour les années 1999, 2005 et 2006. Ensuite, les résultats donnés par le modèle, dont l’architecture est basée sur des données économiques de 2007, sont comparés à des données observées pour ces mêmes trois années. Les opérations de validation montrent qu’en termes de valeur ajoutée totale, d’emploi total et de PIB régional, les résultats donnés par le modèle diffèrent des valeurs observées d’un pourcentage qui varie entre -5% et +17%. Ce niveau d’erreur est relativement bas compte tenu du fait que les coefficients techniques sont statiques et que des relations linéaires sont supposées entre la demande finale et la production d’output. Le même calcul d’erreur a été effectué non plus à l’échelle macroéconomique (tous secteurs confondus) mais à l’échelle sectorielle cette fois-ci. Le pourcentage d’erreur sur la valeur ajoutée sectorielle varie entre -20% et +30% selon les secteurs (testé sur la totalité des secteurs à l’exclusion du secteur automobile). Tous ces pourcentages d’erreurs sont inclus dans les barres d’erreur des graphiques des Figures 4 à 6.

 

8. Conclusion

 

L’approche méthodologique présentée dans cet article vise l’intégration d’un service écosystémique intermédiaire appartenant à la catégorie des services d’auto-entretien au sein d’une modélisation économico-écologique de type input-output. Pour illustrer et tester l’approche, le modèle ECO a été construit et appliqué au cas de l’étude des impacts de la restauration d’habitats de nourriceries dans l’estuaire de la Seine sur des surfaces importantes. Les résultats montrent que la restauration de surfaces de nourriceries permet d’augmenter la taille des populations de poissons de manière conséquente (à qualité de l’eau et des sédiments marins inchangée). Ils montrent également que la mesure de restauration peut être mise en œuvre dans l’estuaire de la Seine sans impact macroéconomique conséquent malgré des coûts de mise en œuvre très importants. Cependant, à l’échelle sectorielle, l’impact négatif lié aux coûts de restauration est conséquent (Section 7.3). Cela suggère que la restauration de surfaces importantes de nourriceries peut être envisagée comme un problème d’allocation de coûts plutôt que comme un problème en soi. En d’autres mots, la question n’est pas comment financer la restauration mais plutôt qui va la financer ? Dans cette perspective, le modèle aide à identifier les secteurs les plus vulnérables à une mise en œuvre du principe du pollueur payeur, ce qui peut aider les décideurs à adapter ce principe en modifiant la règle d’allocation des coûts afin d’alléger la charge sur certains secteurs.

 

En outre, nous montrons qu’il existe des possibilités pour améliorer les propriétés holistiques de la modélisation input-output, un des deux principes de base de la Science Post-Normale (SPN) et de la Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC) testés dans cet article. Les propriétés holistiques sont améliorées en élargissant la modélisation input-output à une catégorie de services écosystémiques habituellement ignorée par ce type de modèles : les services d’auto-entretien (mesurés en unités physiques). Leurs interactions avec d’autres services écosystémiques sont également prises en compte. Cette extension constitue une amélioration considérable compte tenu du fait que les services d’auto-entretien représentent la catégorie de services écosystémiques la plus vitale.

 

Si des propriétés holistiques offrent l’avantage d’améliorer la compréhension de la complexité inhérente aux écosystèmes et d’augmenter le nombre de catégories de services écosystémiques considérés, elles présentent le désavantage d’introduire un degré d’incertitude plus élevé au sein de l’analyse scientifique (Section 4.2). Pour gérer cette incertitude, comme le recommandent la SPN et la GIZC, des analyses de sensibilité et une opération de rétro-validation sont effectuées (sections 4.2 et 7.4). Une troisième part de l’incertitude ne peut ni être gérée par analyse de sensibilité ni par opération de rétro-validation car elle porte sur des paramètres et des variables qui n’ont pas pu être insérés dans le modèle. Ce problème concerne les services écosystémiques omis (voir Section 7.2) et pour lesquels les données appropriées n’existent pas encore. Ce type d’incertitude peut être géré par le biais d’approches de décision participative (Section 4.2). Le modèle ECO constitue un outil prometteur en appui à ce type d’approches par sa capacité à mettre en évidence et à quantifier les points de compromis, un atout important puisque cela constitue un des objectifs des techniques de décisions participatives (Munda et al. (1994) et van den Bergh and Nijkamp (1991)).

 

Remerciements

 

Je souhaite remercier chaleureusement Walter Hecq de l’Université Libre de Bruxelles, José Pérez d’Ifremer-Brest, Martin O’Connor de l’Université de Versailles St-Quentin-En-Yvelines, Garry McDonald de Market Economics Ltd., Sébastien Rochette et Olivier Le Pape de l’Université Européenne de Bretagne (Agrocampus Ouest), et Michel Englert et Luc Avonds du Bureau Fédéral du Plan de Belgique. Cette recherche a été cofinancée par Ifremer, le GIP Seine-Aval, le Fonds David & Alice Van Buuren et le Département des Relations Internationales de l’Université Libre de Bruxelles.

 

Bibliographie

 

AESN – DIREN Haute-Normandie, 2004. Démarche prospective à l’horizon 2025 sur l’estuaire de la Seine. Annexes. Septembre. 129 pp.

Ashford, N. A., 1981. “Alternatives to cost-benefit analysis in regulatory decisions”. Annuals of the New York Academy of Sciences, 363, 129–137.

Belfiore, S., 2000. “Recent developments in coastal management in the European Union”. Ocean & Coastal management 43, 123–135.

Bremer, S., 2010. “Mobilising high-quality knowledge through dialogic environmental governance: a comparison of approaches & institutional settings”.  REEDS working papers, CR No. 2010-09, 26 pp.

Bureau Fédéral du Plan (BFP), 2008. Medium-Term prospects for the World Economy. Period 2008-2015. Van Brusselen, P. (Ed.), Belgium, 49 pp.

Carpenter, S.R., DeFries, R., et al., 2006. “Millennium ecosystem assessment: research needs”. Science 314 (5797), 257–258.

Carpentier, C.L., 1994. Agriculture and the environment: an economic–ecological Input–Output Model of the Canadian economy. PhD at McGill University, Montreal, 121 pp.

Cheong, S.M., 2008. A new direction in coastal management. Marine Policy, 32(6), 1090–1093.

Cordier, M., 2011. Ecosystème estuarien et système économique régional : faisabilité d’une intégration par modélisation Input-Output. Application au cas de l'habitat halieutique dans l’estuaire de la Seine. Thèse de doctorat présentée le 5 juillet à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines en cotutelle avec l’Université Libre de Bruxelles, 477 pp. URL : http://theses.ulb.ac.be/ETD-db/collection/submitted/ULBetd-05192011-210005/unrestricted/Thesefinale.pdf

Cordier, M., Pérez Agúndez, J. A., O’Connor, M., Rochette, S., Hecq, W., 2011. “Quantification of interdependencies between economic systems and ecosystem services: an input-output model applied to the Seine estuary”. Ecological Economics, Volume 70, Issue 9, 15 July 2011, Pages 1660-1671.

Costanza, R., d’Arge, R., de Groot, R.S., Farber, S., Grasso, M., Hannon, B., Limburg, K., Naeem, S., O’Neill, R.V., Paruelo, J., Raskin, R.G., Sutton, P., van den Belt, M., 1997. “The value of the world’s ecosystem services and natural capital”. Nature 387, 253–260.

Cumberland, J.H., 1966. “A regional inter-industry model for the analysis of development objectives”. Papers in Regional Science Association 17, 64–94.

Cuvilliez, A., Deloffre, J., Lafite, R., Bessineton, C., 2009. “Morphological responses of an estuarine intertidal mudflat to constructions since 1978 to 2005: The Seine estuary (France)”. Geomorphology 104 (3–4), 165–174.

Daly, H.E.,  1968. “On Economics as a Life Science”. Journal of Political Economy 76, 392 – 406.

de Groot, R.S., Wilson, M.A., Boumans, R.M.J., 2002. “A typology for the classification, description and valuation of ecosystem functions, goods and services”. Ecological Economics 41, 393–408.

Ducrotoy, J-P., Dauvin, J-C ., 2008. “Estuarine conservation and restoration: The Somme and the Seine case studies (English Channel, France)”. Marine Pollution Bulletin 57 (2008) 208–218.

Eurostat, 2009.  “ESA 95 Supply Use and Input-Output tables”. URL: http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/esa95_supply_use_input_tables/data/workbooks

Fisher, B., Turner, K.R., Morling, P., 2009. “Defining and classifying ecosystem services for decision making”. Ecological Economics 68, 643 – 653.

Funtowicz, S.O., Ravetz, J.R., 1994. “The worth of a songbird: ecological economics as a post-normal science”. Ecological Economics 10 (3), 197-207.

Gallopin, G., Funtowicz, S., O’Connor, M., Ravetz, J., 2001. “Science for the twenty-first century: from social contract to the scientific core”. Int. Journal Social Science 168, 219–229.

Giampietro, M., Mayumi, K., Munda, G., 2006. “Integrated assessment and energy analysis: Quality assurance in multi-criteria analysis of sustainability”. Energy 31, 59–86.

ICES, 2007. Report of the Working Group on the Assessment of Demersal Stocks in the North Sea and Skagerrak (WGNSSK), 5–14 September 2006, ICES Headquarters. ACFM 35, 1160 pp.

Isard, W., 1968. “Some notes on the linkage of the ecologic and economic systems”. Regional science association: papers, XXII, Budapest conference.

Jin, D., Hoagland, P., Dalton, T.M., 2003. “Linking economic and ecological models for a marine ecosystem”. Ecological Economics 46, 367–/385.

Leontief, W.W., 1936. “Quantitative input and output relations in the economic system of the United State”. The review of economic statistics, 18 (3), 105–125.

Leontief, W.W., 1970. “Environmental repercussions and the economic structure: an input–output approach”. Review of Economics and Statistics LII (3), 261–271.

Lutz, W. and W. Sanderson, 2001: The end of world population growth. Nature, 412(6846), pp. 543-545.

McDONALD, G., 2005. Integrating Economics and Ecology: A systems Approach to Sustainability in the Auckland Region. PhD at Massey university, New Zealand, 597 pp.

MEDDAT, 2009. National and international transport. Data base received from the MEDDAT in June 2009.

Millennium Ecosystem Assessment, 2005. Ecosystems and Human Well-being: Synthesis. Island Press (Ed.), Washington, DC, 139 pp.

Miller, R.E., Blair, P.D., 2009. Input-output Analysis. Foundations and Extensions. Cambridge University press (Ed.), United-Kingdom, 750 pp.

Munda, G., 2004. “Social multi-criteria evaluation: Methodological foundations and operational consequences”. European journal of operational research 158, pp. 662–677.

Munda, G., Nijkamp, P., Rietveld, P., 1994. “Qualitative multicriteria evaluation for environmental management”. Ecological Economics 10, 97–112.

O’Connor, M., 1999. “Dialogue and debate in a post-normal practice of science: a reflexion”. Futures 31, 671 – 687.

OCDE, 2009. OECD Economic Outlook 86 Projection, summary of projections. Excel database. URL: www.oecd.org/dataoecd/18/26/2713584.xls

O’Hagan, A. M., Ballinger, R., 2009. “Coastal governance in North West Europe: an assessment of approaches to the European stocktake”. Marine policy 33, 912–922.

Refsgaard, J.C., van der Sluijs, J.P., Brown, J., van der Keur, P., 2006. “A framework for dealing with uncertainty due to model structure error”. Advances in Water Resources 29 (11), 1586–1597.

Rochette, S., Rivot, E., Morin, J., Mackinson, S., Riou, P., Le Pape, O., 2010. “Effect of nursery habitat degradation on flatfish population renewal. Application to Solea solea in the eastern Channel (Western Europe) “. Journal of sea Research 64 (1–2), 34–44.

Sachs, J.D., Reid, W.V., 2006. “Environment — investments toward sustainable development”. Science 312 (5776), 1002.

Stirling, A., 2001. “Science and precaution in the appraisal of electricity supply options”. Journal of Hazardous Materials 86, 55–75.

Stojanovic, T.A., Ballinger, R.C., 2009. “Integrated coastal management: a comparative analysis of four UK initiatives”. Applied geography 29, 49–62.

Turner, R.K., 1999. Markets and environmental quality. In: Clark, G.L., Feldman, M.P., Gertler, M.S. (Eds.), The Oxford Handbook of Economic Geography, pp. 585–606.

van den Bergh, J.C.J.M., Nijkamp, P., 1991. “Operationalizing sustainable development: dynamic ecological economic models”. Ecological Economics 4, 11–23.

Victor, A.P., 1972. Pollution: economy and environment. Georges Allen & Unwin Ltd. (Eds.), Great Britain, 247 pp.




[1] Recherches en Economie-Ecologique, Eco-innovation et ingénierie du Développement Soutenable à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (REEDS-UVSQ), Bâtiment Aile Sud, Bergerie Nationale, Parc du Château, 78120 Rambouillet Cedex, France. Email : mateo.cordier@reeds.uvsq.fr

[2] Est considéré comme processus écologique, toute chaîne de causalité au sein de laquelle une ressource matérielle ou de l’énergie joue un rôle dans la production d’un résultat final identifiable.

[3] Il faut cependant reconnaître qu’il est possible de générer des prix pour les services intermédiaires via la méthode de l’évaluation contingente. Cette méthode permet de monétariser les services intermédiaires en demandant aux individus combien ils consentiraient à payer pour préserver ces services. Néanmoins, nous rejetons cette possibilité car nous cherchons à étudier les processus d’interactions entre les services intermédiaires et l’économie, pas à déduire la préférence des gens pour un service intermédiaire. En outre, la préférence des gens ne reflète pas bien le rôle hautement complexe que ces services jouent dans le fonctionnement global de l’écosystème.

[4] Voir la table construite par de Groot et al. (2002) basée sur une revue de 100 études relatives à l’évaluation monétaire des services écosystémiques.

 

updated date
22/11/2012