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La mangrove Tanoé-Ehy:l'intelligence collective pour la gestion de l'espace

DETAILS

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La mise en œuvre de la démarche INTEGRAALTM dans le projet de classement du domaine des marais Tanoé-Ehy en RNV a été le fait des travaux suivants : (i) l’identification des préoccupations des acteurs et des enjeux de gouvernance qui sous-tendent l’utilisation des ressources et de l’espace Tanoé-Ehy; (ii) la construction des scénarii narratifs c'est-à-dire des options ou modes de gestion des ressources et de l’espace ; (iii) la sélection par les parties prenantes, des indicateurs pertinents d’évaluation des scénarios de gestion de la future réserve; (iv) la prise en compte des jugements de valeurs des parties prenantes qui ont exprimé leurs préférences pour les différents enjeux; (v) la mise en évidence (argumentaires, commentaires et justifications) des impacts négatifs et retombées positives des scénarios de gestion de la réserve; (vi) l’évaluation des plans (régimes ou modes) de gestion selon les préférences individuelles des acteurs.

En termes de résultats, il apparaît que les options « régime communautaire » et « régime collectif » sont moins préjudiciables aux objectifs de développement durable de la région. Le fait que ces options recueillent plus d’accord favorable démontre que la pluralité est de plus en plus souhaitable dans les processus décisionnels en matière de gestion des ressources partagées. En effet, le niveau d’accord favorable (donc de l’acceptabilité de l’option) augmente avec l’importance de la diversité des acteurs qui composent le comité de gestion dans chaque scénario. Quand le scénario « système traditionnel » qui propose un comité mono-acteur (la chefferie traditionnelle) pour la gestion de la réserve, recueille 17% d’accord, le scénario  « régime collectif » qui offre une gestion tripartite (chefferie, élus et corps préfectoral) est souhaitable à 31%. Toutefois ce score est loin de celui du « régime communautaire ». Le fait que ce dernier propose une gestion multipartite est sans doute la cause des 51% d’accord exprimé par les participants.

Les résultats montrent bien qu’au fur et à mesure que la nature des parties prenantes à la gestion est diversifiée, l’acceptabilité de l’option devient pertinente. L’acceptabilité du scénario est inversement corrélée au niveau de singularité des parties prenantes impliquées dans la gestion. La diversité devient dès lors un critère de choix pour le régime de gestion.

Il est aussi utile d’analyser les effets des options sur les enjeux tels qu’ils sont perçus par les acteurs. On observe un impact des options Régime collectif et Régime communautaire relativement moins important sur l’enjeu « préservation des droits de propriété foncière et maintien des repères culturels » par rapport à l’option « système traditionnel ». En conséquence, il s’avère utile de relativiser la préférence d’une option. Par exemple l’option « système traditionnel » est globalement la moins souhaitée. Pourtant, elle a plus d’impact positif sur les enjeux « maintien de la cohésion sociale et la réduction des conflits » et «  préservation des droits fonciers et repères culturels ».  

Dans l’ensemble, tous les enjeux présentent de l’intérêt pour les participants. Cependant l’enjeu « Protection de la biodiversité et des écosystèmes » se révèle relativement moins pertinent au regard des acteurs. Ce qui est révélateur d’un important paradoxe qu’il convient de souligner. En effet, si le projet de création de la RNV a été initié, c’est principalement à cause de l’état de dégradation des marais, support des écosystèmes et de la biodiversité. Comme précisé dans le décret de création de la RNV (Voir annexe),  le but du projet est la préservation des espèces en voie de disparition. Or d’après les résultats,  cet enjeu se révèle globalement (au regard de l’ensemble des parties prenantes) moins pertinent que les autres (26% défavorable contre 20%). Dans les faits, les parties prenantes comme « les corps socio –constitués » ne sont pas réellement portées sur l’enjeu « biodiversité et écosystème » contrairement aux parties prenantes « Société civile » et « Coordonnateurs du projet ». Ce constat soulève la question de l’ « adéquation à l’usage » ou de l’ « adaptation à l’objectif visé » (fitness for purpose) déjà évoquée dans le chapitre précédent. Le groupe de parties prenantes « acteurs socio-constitués » a des enjeux d’une portée locale alors que la participation des autres parties prenantes est justifiée par des enjeux à l’échelle globale. L’échelle devient selon les résultats de l’évaluation, une dimension importante à prendre en compte dans le choix du plan de gestion de la future RNV. Ce constat vient confirmer notre hypothèse de départ qui postule la prise en compte de l’échelle dans les décisions en faveur du développement durable.

Pour paraphraser la fameuse formule de René Dubos, (« penser global, agir local ») qui a été utilisée pour résumer l’esprit du développement durable, l’échelle locale ne se réduit donc pas seulement à l’agir mais elle doit être prise en considération au cours de la réflexion.

Ce point est important pour nous, car la logique du gouvernement ivoirien est la recherche d’une politique de gestion qui soit acceptable. Mais acceptable par qui ? L’ensemble des parties prenantes ou seulement un groupe de parties prenantes ? Acceptable pour quoi ? Parce qu’elle (la politique) préserve la paix ou parce qu’elle réduit la pauvreté ? Encore une fois, nous revenons à la question de l’effet contextuel de l’approche délibérative (O’connor, 2006 ; Van der Hove, 2001). Un plan de gestion peut intéresser le décideur parce qu’il favorise une catégorie d’acteurs précis (si on veut éviter les mouvements sociaux). Il peut être adopté parce qu’il préserve la cohésion du peuple (si on veut éviter les conflits). Au nom de qui ou de quoi choisir ? De facto, le décideur peut garder le droit de décider seul, s’il juge nécessaire de considérer l’intérêt général par rapport aux intérêts locaux et vice- versa. L’objectif de notre démarche et donc de notre travail de recherche, est de présenter d’une part, les effets  (perçus par les acteurs) des régimes sur les enjeux et d’autre part, l’appréciation des régimes par les acteurs. La démarche INTEGRAALTM n’a pas pour ambition de hiérarchiser les scenarii narratifs ou de comparer les coûts et avantages des options plausibles ni même d'éluder certains scénarios au profit d'autres. Loin de l'analyse opérationnelle, de l'évaluation coûts/bénéfices ou l'analyse économétrique ou encore du bilan comptable, la démarche INTEGRAALTM telle qu'utilisée dans ce travail, ne se réduit pas à un simple classement des options de gestion ; non pas parce qu’elle n’est pas assez outillée pour le faire, mais parce qu’elle n’a pas cet objectif. En effet, nous nous sommes attelés à soutenir qu’il n’existe pas de mode de gouvernance qui soit plus efficient que d’autres. Il existe tout simplement des modèles de gouvernance qui sont efficients en fonction des contextes, des besoins et des réalités spécifiques aux territoires, aux objets, aux attentes et enjeux de gouvernance, aux acteurs et aux décideurs. Ostrom (2010, p.55) évoque l’inefficacité de certains modes de gouvernance dans certaines situations alors que ces mêmes modes ont été efficaces dans bien d’autres situations. On touche ainsi au problème d'hétérogénéité des contextes. Nombre de décisions importantes doivent aujourd'hui être prises dans des situations de diversité: diversité d'échelles spatiales, diversité d'échelles temporelles, diversité d'enjeux... La pauvreté, les conflits fonciers, le déclin de la biodiversité, les changements climatiques, la perte des repères socioculturels, l'exclusion sociale et plus généralement tous les maux de la société sont autant d'enjeux légitimes que divers. A cela, s'ajoute la peur créée par l'incertitude que le progrès scientifique a conduit à amplifier. De ce fait, les citoyens ont appris à se méfier des décisions prises sous la base d'expertises soi-disant formelles alors que les experts sont tout aussi désarmés que les autres face à l'incertitude (Beuret, 2006). La revendication d’une place citoyenne dans une démocratie délibérative et non simplement représentative est donc juste et légitime.

 

VI.2 Synthèse des enseignements tirés du processus d’évaluation du plan de gestion de la future RNV-TE

La gestion en commun des ressources d’un espace communautaire suppose une participation des usagers et autres bénéficiaires, des gestionnaires, des décideurs… Mais en Côte d’ivoire, alors même que le gouvernement élabore des textes pour une implication des acteurs dans ce nouveau type de gouvernance, les outils méthodologiques pour la mise en œuvre concrète font défaut. En utilisant l’approche délibérative INTEGRAALTM, nous avons pu évaluer avec les acteurs et pour les acteurs, les options de gestion de la future RNV-TE.

Cette application permet évidement de tirer un certain nombre d’enseignements  quant à la pertinence et l’adaptabilité de la démarche  suggérée. Les principales réflexions qui émanent de cette expérience sont de deux ordres. Nous allons, en premier lieu, analyser les contraintes avant de rappeler les avantages de l’utilisation d’une démarche collectivement construite.

Dans ce paragraphe, nous faisons un récapitulatif des principales contraintes liées à l’exercice.

 

VI2.1 Les limites liées à l’utilisation de la démarche INTEGRAALTM

  • Un travail préparatoire conséquent

La nécessité d’une phase descriptive initiale du contexte local avant le déploiement de la démarche est au cœur des contraintes que pose l’utilisation d’INTEGRAALTM. Cette contrainte n’est cependant pas le fait exclusif de notre démarche, mais inhérente au contexte multi-enjeux et multi-acteurs de tout projet de gestion en commun des ressources partagées. Dans ce domaine, la nécessité de prendre en compte de nombreuses facettes du milieu rural entraine inévitablement un accroissement des informations à récolter et à compiler.

  • Des efforts humains et des coûts financiers à ne pas négliger

Comme toute démarche mobilisant les outils technologiques (logiciels, papiers, Internet, logistique...), le déploiement de la démarche INTEGRAALTM a engendré des coûts techniques. Mais au-delà de ceux-ci, ce sont les coûts humains et financiers qui ne peuvent être négligés par les spécialistes. On peut essayer de  surmonter cette contrainte en réduisant les moyens requis (utilisation de matrice sous forme papier, réduction du nombre de participants, de l’échantillon d’étude, etc.). Mais cela peut toutefois entrainer d’autres problèmes tels que la mise en cause de la légitimité des participants, de la représentativité de l’échantillon et donc de l’acceptabilité des résultats. L’idéal serait de considérer la démarche comme un investissement au vu de ses apports à la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de gouvernance des ressources.

  • Des acteurs à motiver pour une large participation au processus de délibération

Une des contraintes qui se révèle lors du déploiement de la démarche est liée à la volonté des acteurs à prendre part au processus de dialogue et de négociation. La démarche nécessite en effet que les acteurs reconnaissent les autres comme des partenaires de dialogue légitimes et qu’ils acceptent de négocier de façon honnête et transparente. Dans notre expérience, la mise en œuvre de la démarche a été très tributaire de la volonté des acteurs à entrer dans un schéma de relations parfois inédits pour eux. Alors que ces relations impliquent l’ouverture et  la coopération, certains acteurs peuvent rester sur une logique de fermeture. Par exemple un préfet peut être tenté de ne pas vouloir discuter avec des techniciens (à cause de son rang : sentiment de supériorité). De même, un chef coutumier peut ne pas vouloir discuter avec ses sujets (pour des raisons d’ordre spirituel ou culturel). Aussi, des raisons d’ordre religieux peuvent bloquer la discussion entre un féticheur ou un charlatan et un imam ou un curé. Enfin des barrières linguistiques peuvent entacher un débat public etc.

Il n’en demeure pas moins qu’une démarche issue de l’intégration approche multicritère-approche délibérative apporte un bénéfice substantiel au processus décisionnel. A cet effet la démarche INTEGRAALTM offre de nombreux avantages lorsqu’elle est utilisée pour la coproduction des politiques de gestion en commun des ressources naturelles.

 

VI2.2 Les avantages liés à l’utilisation de la démarche INTEGRAALTM

  • Contourner les rapports d’influence entre Stakeholders

Nous venons de montrer que la participation de certains acteurs au processus de délibération pouvait influencer d’autres pour plusieurs raisons notamment d’ordre professionnel (un directeur et son agent), psychologique (un guérisseur et son malade) ou même familial (un mari et son épouse), etc. Dans ce cas, l’acteur sous influence, s’il est directement mis en discussion avec l’acteur influençant, peut être contraint de cacher ses véritables intentions. Or en absence de transparence et d’équité dans le débat, toute approche délibérative ne peut produire des résultats acceptables. A travers la Matrice de Délibération qui permet la discussion en ligne (sans forcement exiger que les protagonistes se connaissent ou se rencontrent), la démarche INTEGRAALTM peut permettre de contourner la communication directe et résoudre le problème des rapports d’influence réciproque.

  • Faire évoluer des positions des acteurs au gré de leurs interactions

INTEGRAALTM a offert un cadre structuré pour le processus de formulation du plan de gestion des marais. En incitant les acteurs au dialogue virtuel, elle leur a permis de se comprendre sans forcement se voir. Il s’est agit d’aider à l’émergence d’un dialogue dans un langage commun en offrant les moyens aux participants de rechercher le compromis. En permettant aux participants de mettre en lumière leurs arguments et points de vue, la démarche assure une certaine flexibilité. En effet, chaque acteur dans une perspective de flexibilité, peut envisager de reconsidérer sa position initiale par rapport au problème de choix, le changer ou le modifier. Il s’agit dans une telle démarche (de verdissement de la matrice), d’interagir, débattre et collaborer sans s’affronter.

  • Repérer les points de désaccord pour construire l’accord

La démarche INTEGRAALTM a permis de repérer les points de  divergences mais aussi les points de convergence qui existent dans les préférences des participants. En révélant ces désaccords et en permettant aux uns de comprendre les raisons qui sous-tendent les positions des autres, notre approche est une contribution à la recherche d’itinéraires pour la transformation des désaccords en accords.

  • Collecter et structurer les données de diverses sources

La gouvernance en commun des ressources partagées est rendue complexe par le caractère multi-enjeux et multi-scalaires des contextes. 

Le défi pour toute méthodologie d’aide à la prise de décision est de favoriser la révélation de ces enjeux et des justifications qui les sous-tendent. Dans le cas de la formulation du plan de gestion de la future RNV-TE, ces enjeux et leurs justifications qui se présentent comme des données, doivent être exposés sous la forme d’informations synthétiques, mesurables et pertinentes.

C’est dans cette perspective que se situe la démarche INTEGRAALTM. Fondée sur  les préoccupations des parties prenantes pour les enrichir avec des apports d’études scientifiques,  INTEGRAALTM  a permis de recenser une plus large palette de données combinant savoirs autochtones, rapports d’experts et connaissances scientifiques. Elle a donc rendu compte des vraies spécificités de l’espace Tanoé-Ehy en rapportant le processus de définition du plan de gestion à des questions plus générales associées à la gouvernance en commun des biens : les questions comme celles relatives à l’exode rural, la délinquance juvénile, l’amélioration des infrastructures sanitaires et hydrauliques, l’électrification rurale, l’alphabétisation etc. qui n’ont a priori rien à voir avec la gestion des ressources naturelles, sont apparues comme liées à celle-ci. Cet avantage appelle à résoudre une autre question qui est de définir l’information pertinente. Par exemple quel indicateur mesure le mieux un enjeu donné. En demandant aux parties prenantes de sélectionner les indicateurs qui leur paraissent les plus pertinents pour évaluer un scénario, INTEGRAALTM améliore la qualité et la légitimité de l’information. Elle intègre les acteurs concernés dans le processus de définition de l’information et incite les producteurs de l’information à plus de transparence.

Ainsi, INTEGRAALTM a permis aux coordonnateurs du projet de création de la future réserve, de disposer d’un cadre d’informations structurées, pertinentes et mesurables dont l’efficacité est bien le résultat de la conjonction de la demande sociale autochtone et de l’expertise technico-scientifique.

  • Profiter des externalités informationnelles

L’économie des Interactions a étudié l’émergence des régularités agrégées, d’ordre collectif ou de normes sociales, et ce à partir de l’interaction directe entre une multitude d’individus. Elle a conclut que le degré de connexion des agents génère des externalités (Dalle et  Vicente, 2001 ; Kirman et Zimmermann, 2001). Dans le cas de l’utilisation de la Matrice de délibération pour la gouvernance en commun des ressources partagées, ce type d’externalités génèrent une augmentation au moins quantitative (sinon qualitative) des informations. 

Ainsi, en contournant l’approche par la représentativité (approche indirecte) au profit d’une approche par la citoyenneté (approche directe),  la démarche INTEGRAALTM a permis de tirer satisfaction de l’étendue des données collectées à travers les commentaires des participants à la délibération. Mais au-delà de cette production bénéfique au gestionnaire, c’est sa contribution à la médiation des connaissances sans générer des coûts supplémentaires, qui se présente comme externalité positive pour tous les participants. Dans le cadre de notre étude, on peut légitimement affirmer que certains participants ont pu accéder à l’information qui était auparavant difficilement accessible notamment du fait de son coût. 

  • Contourner la question de la légitimité

Un membre de la coopérative des agriculteurs révèle : « ...chaque fois qu'on envoie un des nôtres pour nous représenter dans les instances (officielles) de décisions, on le perd (…) Au final, il rejoint l'autre camp car il ne peut résister aux pourboires qu'on lui propose afin qu'il retourne sa veste... ». Au cœur de ce discours, se trouve la question de la représentativité à laquelle, de notre avis, la théorie délibérative a contribué à apporter une réponse. La revendication d’une place citoyenne dans une démocratie délibérative et non simplement représentative est juste et légitime. On peut se poser la question de savoir si les acteurs engagés dans le processus de choix du plan de gestion de la RNV-TE ne devraient pas abandonner la pratique de la représentativité ou de la délégation de mandats parce que cette pratique, en rendant impossible la négociation directe et la discussion entre les acteurs individuels, rend aussi impossible la délibération sur les scénarios plausibles en vue de l’intérêt collectif – laquelle requiert, en effet, que les participants à la discussion ne se sentent pas absolument liés par leurs mandataires mais soient disposés à changer d’avis sous le coup des arguments échangés entre eux –mêmes.

Dans le cadre de notre étude, nous avons privilégié la discussion directe sans intermédiation. L’acteur individuel devient partie prenante de la négociation. Nous sortons de la logique de négociation avec des représentants désignés ou délégués (à tort ou à raison) comme des défenseurs des intérêts et objectifs d’un groupe au profit d’une logique de négociation exigeant des débats argumentés entre les citoyens eux- mêmes. En faisant appel aux acteurs impliqués, à participer individuellement au processus d’évaluation tout en donnant les préférences et les raisons de celles- ci, la démarche INTEGRALLTM mise en œuvre dans ce travail apporte une réponse à ce défi que pose la question de la légitimité des mandataires ou représentants.

  • Produire des arguments pour une négociation transparente et équitable

Il est important d’expliquer en quoi la démarche INTEGRAALTM peut être un préalable à la négociation ? La principale réponse est à voir dans la capacité de démarche, à mettre en lumière les principaux points d’accord et de divergence. Mais au-delà de cette mise en évidence, c’est aussi la possibilité qu’elle offre aux participants de révéler les arguments et justificatifs qui sous-tendent leurs préférences. Dès lors décideurs et acteurs peuvent trouver les éléments nécessaires pour entrer dans un processus de négociation afin de rechercher le compromis s’il existe.

Dans le cadre de son utilisation pour l’élaboration du plan de gestion des marais Tanoé-Ehy, la démarche INTEGRAALTM s’est vue être un outil de recherche action à plusieurs voix. La démarche, en favorisant les interactions directes entre les acteurs, a généré l’adhésion des acteurs même les plus catégoriques, au processus de recherche de compromis. La rencontre de connaissances et d’intérêts diversifié est donc une source non négligeable d’apprentissage pour les participants qui leur permettent de disposer d’éléments supplémentaires pour la négociation. En améliorant leurs connaissances du sujet, les participants améliorent leur capacité de négociation avec les autres en se sentant plus confiants et plus à même de présenter des arguments construits et justifiés par d’autres participants.

  • Piloter une démarche génératrice de transparence, de convivialité et de flexibilité

Voir de façon transparente comment l’information brute a été manipulée pour produire la décision s’avère être un avantage pour tout type de démarche innovante. A travers la matrice de délibération, INTEGRAALTM offre cette possibilité de consulter en ligne le processus d’évaluation depuis la collecte des données jusqu'au traitement dans le logiciel. Ainsi le décideur, le gestionnaire, l’usager ou tout autre acteur peut vérifier à tout moment, l’état du processus.

En outre, la démarche présente un avantage lié à son caractère conviviale c'est-à-dire sa facilité d’être utilisée sans recours aux techniciens intermédiaires qui influenceraient le processus décisionnel dans une perspective stratégique. La Matrice de délibération est une interface à l’usage conviviale en ce sens qu’elle affiche des résultats (palettes de couleurs) faciles à comprendre et à interpréter. 

Enfin, la flexibilité est comprise à travers la capacité de la démarche à permettre aux décideurs de répondre à tout changement dans la nature du problème et dans l’environnement de la prise de décision. Dans notre cas, le modèle communautaire présente, dans l’ensemble, pus de cellules vertes ; il est ainsi le plus susceptible d’être accepté. Cependant, il est moins apte à contribuer à l’atteinte de l’enjeu « respect des droits fonciers et des traditions culturelles » ; dans ce cas si le décideur est  plus sensible aux questions culturelles, il pourrait choisir d’adopter le régime  collectif.

 

Le recours à la démarche INTEGRAALTM dans la construction des projets, programmes et politiques de gestion des ressources ne pourraient cependant se généraliser que progressivement, à la lumière des résultats concrets obtenus et moyennant une volonté claire des intervenants à s’engager et à s’investir dans ce type d’approche. Cette affirmation ouvre un nouveau paragraphe, celui qui nous permet d’analyser les champs de recherche possibles.

 

VI.3 Les perspectives d’amélioration de la démarche INTEGRAAL TM

Dans le même contexte d’application, les champs de recherche sur lesquels s’ouvre  ce travail sont notamment d’ordre technique. Ils s’imposent par le fait des perspectives d’application à des cas réels, impliquant d’adapter la démarche aux capacités d’assimilation cognitive des acteurs locaux. L’expérience a montré les difficultés d’accès à la logistique (outil informatique) et à Internet. Certes ces deux difficultés peuvent être contournées par l’approche « papier » de la Matrice de délibération. Mais elle ne permet pas d’atteindre certains des principaux avantages de la démarche, à l’occurrence le gain de temps et l’évitement des contraintes géographiques. A cet effet, des améliorations sont en cours au vu notamment des projets d’extension de la 3G à l’ensemble du pays. En plus, le développement des TIC dans la société ivoirienne à l’instar de celles de la sous- région ouest africaine, est en plein essor. Des personnes sont aujourd’hui détentrices de Smartphones sans jamais avoir tenu le combiné d’un téléphone fixe. Les sociétés d’aujourd’hui sont soumises à de perpétuelles et rapides évolutions technologiques.

Aussi, des améliorations sont souhaitables notamment pour l’automatisation de taches fastidieuses lors de la collecte des données afin de construire la Matrice de Délibération.

Dans le même ordre d’idées, d’autres améliorations sont souhaitables pour plus d’interactivité dans la construction des scénarii narratifs. Il serait dès lors profitable d’utiliser les outils de prospective participative qui ont pour intérêt d’intégrer la demande sociale et qui, par l’interactivité qu’il présenterait, constitueraient des outils d’expertise autochtone. A ce titre, on pourrait ainsi examiner le manuel de prospective territoriale proposée par le BNETD (2008) dont un des objectifs est l’intégration de la demande citoyenne dans la formulation des politiques publiques.

Dans le même sens, des applications permettant la traçabilité doivent être intégrées dans le logiciel pour permettre aux décideurs non seulement de suivre l’évolution des positions des participants, mais de voir l’historique des argumentaires.

Une autre amélioration de nature technologique serait d’intégrer les SIG dans le processus de délibération. Il s’agirait de créer une interface permettant de voir en temps réel l’état des sites géographiques par exemple en couplant le serveur KerDSTTM à celui de Google Maps.

Au total, la finalité de la démarche INTEGRAALTM étant d’aboutir à des solutions acceptées par les parties prenantes dans un contexte multi-acteurs, les résultats qui en sont issus, doivent être mis à la disposition du décideur. Si des développements informatiques destinées à générer automatiquement le degré de plausibilité et donc d’acceptabilité d’une alternative de gestion des ressources, peuvent être envisagées, ils ne peuvent suffire seuls à construire une décision consensuelle. Un travail en amont de négociation et d’échanges avec comme arguments, les informations produites par les participants, est nécessaire pour rechercher le compromis. Comme l’affirme régulièrement O’Connor, cette question dépasse largement le cadre de la démarche INTEGRAAL TM qui n’a pas pour ambition de produire la décision consensuelle, mais d’aider à sa co – construction, principalement en fournissant des argumentaires pour entamer un processus de négociation. 

updated date
03/11/2014